Dans sa dernière création, le dramaturge rend un touchant hommage à sa mère,
en retraçant leurs 5 années d’exil en France.
Wajdi Mouawad poursuit ses récits autofictionnels et intimes. Mère, s’inscrit dans le cycle Domestique qui se compose des cinq membres de sa famille .
Après Seuls et Sœurs, le dramaturge part de sa mère pour parler de son exil en France, de la guerre et de la famille.
Pour fuir le conflit fratricide (que W. Mouawad considère comme « la seconde mère de tous les Libanais »), Jacqueline Mouawad, sa fille, Nayla, ses fils Naji et Wajdi s'installent en 1978 dans un petit appartement du 15eme arrondissement ou la vie est suspendue au retour au pays.
Ils y resteront jusqu’à leur expulsion en 1983.
Wajdi Mouawad dresse le portrait d’une femme seule, déracinée, qui vit la guerre de loin et cette éloignement est d’une violence absolu pour elle. Jacqueline passe son temps à hurler sur ses enfants, à humilier son dernier fils Wajdi âgé de 10 ans. La violence de la guerre, percute sa vie, elle n’a plus aucune prise sur elle, son seul objectif est de repartir au Liban, retrouver son mari, sa maison et ne plus vivre cette guerre à distance.
Aïda Sabra interprète magistralement cette mère en souffrance, piégée dans un pays etranger loin des siens et qui voit ses enfants s'approprier le mode de vie français.
Le monde de Jacqueline s'ébranle de tous les côtés.
Le rôle de Nayla, l’adolescente en conflit avec sa mère qui tente de protéger son petit frère de la violence physique et verbale de sa mère et qui ambitionne d’être une femme libre et refuse le mariage est formidablement incarné par Odette Makhlouf,
Quatre jeunes garçons incarnent Wajdi Mouawad jeune.
Quand à Wajdi Mouawad, il accueille le public en expliquant les subtilités de la traduction de la langue libanaise puis, pendant la pièce, déplace les décors mais surtout il interprète une scène poignante où il parle à sa mère morte 25 ans plus tôt.
Christine Ockrent joue avec beaucoup de spontanéité son propre rôle, celui de la présentatrice du JT du 20h qui rythme la vie des foyers de l’époque et plus particulièrement la famille du dramaturge qui attend avec impatience les nouvelles du Liban.
Comme toutes les pièces de Wajdi Mouawad, il y a de la passion, de la tendresse, de la violence et beaucoup d’humour dans Mère qu’on vous recommande !
« Mère », de Wajdi Mouawad, au Théâtre de la Colline, jusqu’au 4 juin 2023.
avec
Odette Makhlouf, Wajdi Mouawad, Christine Ockrent, Aïda Sabra
et en alternance pour le rôle de Wajdi Mouawad à 10 ans :
Dany Aridi, Elie Bou Saba, Loucas Ibrahim
et les voix de Valérie Nègre, Philippe Rochot, Yuriy Zavalnyouk
15 Rue Malte-Brun
75020 Paris
Article : Corinne MARION - Photographies : Tuong Vi Nguyen
Mai 2023