Claude Monet s’installe à Rouen au-dessus d’une boutique de lingerie et mode grâce à Paul Durand-Ruel, un mécène qui cherche à l’aider à retrouver l’inspiration. A peine installé, Claude rencontre Camille, une jeune modèle qui travaille à la boutique et vient lui rendre visite régulièrement. Très vite, par son charme et sa spontanéité, elle va l’agacer d’abord puis égayer ses journées, le faire parler et lui redonner le goût de peindre…
Quand le rideau s’ouvre, on se laisse séduire par la beauté du décor. On entre, avec une grande délectation, dans cette chambre sous les toits avec sa fenêtre, ses poutres, son chevalet, les corsets déposés sur des mannequins... C’est beau tout simplement. On se laisse transporter dans la fin du XIXe siècle, période magique pour la création artistique, mais aussi pour sa modernité et la porte qu’elle est vers notre époque. Les coiffures et les costumes participent également à ce voyage dans le temps et on admire les détails comme les robes et les chaussures de Camille ou le costume de Paul. Impossible aussi de ne pas parler de la force de la lumière et des projections utilisées en fond de plateau. La lumière est déposée comme une touche de peinture. Des tableaux sont représentés pour figurer le travail de l’artiste et le spectateur a l’impression d’entrer dans l’esprit de l’artiste, dans ses yeux… On ne peut qu’être touché par tant de poésie et de beauté. La lumière est au service du travail de Monet et elle nous permet de nous le rendre plus réel.
Le sujet même de la pièce se révèle une véritable trouvaille. Le théâtre aime représenter des moments de vie de certains personnages historiques. Cependant, il est toujours très plaisant quand il joue entre réalité et fiction. Partant d’un moment réel de la vie de Claude Monet (la peinture de la série de la cathédrale), « Dans les yeux de Monet » laisse aller l’imagination de Cyril Gely afin de créer le personnage de Camille, qui est pourtant tout à fait représentative des femmes de son siècle. Et on se surprend à essayer de comprendre ce qui est véritablement arrivé et ce qui tient de la fiction. A dire vrai, on a envie de croire à cette histoire et on se laisse complètement emporter par la relation entre Claude et Camille, avec la présence toujours bienveillante de Paul. Par sa fraicheur et son dynamisme, Camille réussit à vaincre le côté sombre et silencieux de Claude. Auprès d’elle, il se dévoile, raconte ses douleurs, ses peines, ses problèmes de vue… On découvre peu à peu ce personnage célèbre surtout pour ses œuvres et moins pour sa vie. C’est touchant, émouvant, prenant. On rit, on se prend au jeu, on est charmé.
Les acteurs interprètent leur rôle avec beaucoup de sincérité. Clovis Cornillac nous présente un Monet bourru et solitaire au début du spectacle. Il se montrera ensuite plus vrai, drôle, attachant. Maud Baecker apporte énormément d’énergie et de douceur en Camille. Personnage parfaitement moderne, elle n’hésite pas à dire ce qui dérange, à chercher à comprendre Monet plutôt que de simplement l’admirer, à la bousculer tout en le faisant un peu rêver. Éric Prat apporte à Paul du second degré, un certain flegme et une grande classe.
« Dans les yeux de Monet » est une très belle pièce, poétique et touchante. Les trois comédiens embarquent le spectateur du début à la chute finale. On a envie de les aimer. Un très joli moment de théâtre. A voir !