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Après le succès littéraire du roman de Sorj Chalandon sorti en 2013, le metteur en scène Julien Bouffier en livre une adaptation personnelle au théâtre de Paris-Villette du 9 au 26 mai 2018.


1982, Paris. Alors qu’il est en train de mourir d’un cancer, Samuel (Alex Jacob, également musicien et chanteur sur scène) demande à son amie la plus proche (Vanessa Liautey) de reprendre le projet qu’il a été contraint d’abandonner : monter Antigone d’Anouilh à Beyrouth, avec des comédiens issus de toutes les confessions et origines. Forte de son expérience de militante politique, cette dernière accepte de se rendre au Liban, alors en pleine guerre civile. Sur place, elle se rend compte qu’il faut reprendre tout le projet à zéro. Il va falloir convaincre tous les acteurs de monter sur scène, alors que la barbarie règne tout autour…


Comment représenter la guerre et la violence la plus indicible sur une scène de théâtre ? Comment retranscrire un roman mêlant introspection et narration ? Comment « trahir » le plus justement possible une œuvre sans la dénaturer ? Le pari est difficile et c’est à cette lourde tâche que Julien Bouffier s’est attelé. Il a donc choisi ici une mise en scène audacieuse et innovante, mêlant théâtre, musique live, passages joués sur écran et vidéos documentaires. Le quatrième mur, désignant normalement le « mur » imaginaire qui sépare la scène du public, est ici physiquement présent : un écran qui permet à la fois de mettre à distance les actrices et de nous faire découvrir les images tournées à Beyrouth. Les écrans jouent un rôle primordial dans la mise en scène : par les images filmées, le décor habituellement présent prend une dimension réelle et nous fait prendre conscience que le drame s’est réellement joué au Liban (et s’y joue malheureusement encore) ; par les vidéos des acteurs libanais que Julien Bouffier a filmés sur place et par la musique omniprésente, la frontière entre personnages de fictions et personnes réelles se trouble encore un peu plus. Par tous ces procédés, le spectateur est mis à distance, jusqu’à l’effondrement de ce mur, où le théâtre ne peut plus montrer, où la musique ne peut plus vibrer et où seuls les mots durs, violents, déchirants résonnent…


Ceux qui ont lu le Quatrième Mur seront probablement déstabilisés par certains choix du metteur en scène : féminisation du personnage de Georges, amputation de la dernière partie du roman, sexualisation de certains passages, interversion entre Ismène et Antigone,… Julien Bouffier nous éloigne de l’aspect témoignage du roman (Sorj Chalandon a été reporter et a vécu la guerre du Liban, jusqu’à la découverte du massacre de Chatila) pour en livrer une pièce où la symbolique et les métaphores priment. On saluera la performance des actrices sur scène, et notamment Vanessa Liautey, qui reste sur scène durant l’intégralité de la pièce et que l’on voit peu à peu se transformer durant ce voyage initiatique mêlant vie et mort.


Cette pièce n’est donc pas qu’une adaptation personnelle de l’œuvre de Sorj Chalandon, c’est un pari artistique audacieux qui questionne notre vision du théâtre contemporain, sur ce qu’il peut et doit mettre en scène, sur son engagement et sa dimension artistique.


Jusqu’au 26 mai 2018

Au théâtre Paris-Villette, 211 avenue Jean Jaurès, 75019 Paris

http://www.theatre-paris-villette.fr/spectacle/le-quatrieme-mur-2/

Durée : 1hH30

Tarifs : de 12 à 20 euros


Article : Emilie

13/05/2018




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