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"Les Chatouilles" d'Andréa Bescond

au Théâtre de l'Atelier

Depuis le 11 avril, le Théâtre de l’Atelier accueille « Les Chatouilles », la célèbre pièce de et par Andréa Bescond. Après une création en 2014, une adaptation au cinéma couronnée de deux Césars, une reprise en 2019 avec une autre actrice (Déborah Moreau), la pièce retrouve sa comédienne initiale, qui n’est autre que son autrice qui vient partager sa douloureuse histoire avec un public toujours aussi nombreux. Forte de son expérience, Andréa Bescond retrouve Odette avec toujours autant de vérité et de sincérité.

Odette a huit ans. Alors qu’elle dessine tranquillement dans sa chambre, Gilbert, un ami de la famille, vient lui parler et lui propose de jouer aux « chatouilles » avec elle… Pendant des années, elle va subir des viols à répétition sans jamais pouvoir en parler. Son unique façon de s’exprimer : la danse. Un moyen de communication qu’elle va utiliser jusqu’à en faire son métier et se perdre dans les affres des plaisirs faciles pour mieux oublier… 


Aller voir « Les Chatouilles », c’est vivre une expérience très particulière. Le premier mot qui vient après une représentation est « intensité ». Intensité de l’histoire, du jeu, des mots, de la mise en scène. Andréa Bescond se livre avec toute la force de cette enfant blessée qu’elle a été et qu’elle a longtemps perdu de vue, comme pour mieux ignorer les blessures du passé. On ne peut qu’être transporté par la puissance qui émane d’elle et de son discours. A travers un récit proche de ce qu’elle a subi dans son enfance, elle donne vie à toutes les douleurs restées enfouies qui influencent pourtant tellement son parcours. L’autrice met en lumière les engrenages inconscients qui poussent parfois à se détruire parce que la vie a été trop rude auparavant. 


En mettant en scène sa thérapie, elle se dévoile au fur et à mesure de la pièce, pas toujours de façon chronologique, interprétant tous les rôles à la fois, pour nous faire comprendre le cheminement qui a été le sien jusqu’à la délivrance. Ainsi, en plus de jouer son propre rôle, elle incarne à la fois sa prof de danse de quartier, son camarade Benjamin, sa mère et bien sûr son bourreau. On découvre alors son talent pour l’interprétation puisqu’elle passe de l’un à l’autre en une fraction de seconde, parfois en un rire qui change de ton. Jouant sur les postures ou les accents, elle réussit avec brio à donner vie à ces personnages plus vrais que nature. 


Même si le propos est lourd, l’écriture d’Andréa Bescond est savamment dosée de façon à créer des instants de complicité avec le public. Elle passe de moments pleins de légèreté (comme la danse des fleurs) à des moments intenses (comme lorsqu’elle ne sait même plus où elle se trouve après de nombreuses tournées), du rire aux larmes. Très impliquée dans la lutte contre les violences sexuelles notamment par ses posts noirs sur Instagram, elle n’hésite pas à égratigner l’actualité, faisant notamment quelques clins d’œil remarqués à l’affaire Depardieu. Car le monde a changé depuis l’écriture des « Chatouilles » : le mouvement « #Metoo » a vu le jour et donné la parole aux victimes. Alors qu’elle était l’une des premières à raconter son traumatisme en 2014, aujourd’hui de nombreux témoignages émergent, même si les actions ne sont pas encore à la hauteur des crimes. Cependant, malgré cette intensité, elle n’en fait absolument pas quelque chose de larmoyant, mais plutôt quelque chose qui donne envie de vivre, de s’accrocher au beau et de se relever, ce qui explique les nombreux témoignages qu’elle a reçus depuis 2014. 


La mise en scène s’adapte parfaitement à l’histoire et joue sur les lumières, les choix des musiques ou de chansons… Tout a été savamment étudié dans une extrême simplicité. Un jean, un débardeur, des baskets, pour tout costume. Pour décor, une chaise en fond de scène. Tout le reste naitra de l’imagination du spectateur grâce aux mots et au jeu de l’actrice car l’important n’est pas dans ce qui brille mais dans ce qui est dit. On revient au sens même du propos. Mettre en lumière celle qui a été trop longtemps dans l’ombre. Enfin, les chorégraphies s’intègrent au discours, elles sont le moyen pour le personnage d’exprimer ses émotions, ses douleurs, sa colère. 


« Les Chatouilles », une expérience théâtrale à part entière où la comédienne et autrice se donne complètement et nous permet de réfléchir. Un spectacle essentiel dans un monde où la victime est encore trop souvent culpabilisée. Une pièce qui permet d’ouvrir le débat et d’offrir la parole à ceux qui ont trop longtemps gardé le silence. A voir absolument. 

De et avec Andréa Bescond

Mise en scène Éric Metayer

Lumière Stéphane Fritsch

Son Vincent Lustaud

Photographie © Stefan Muchielli


Du 11 avril au 1er juin

au Théâtre de l'Atelier, 1 Place  Charles Dullin, 75018 Paris

Du jeu. au sam. à 21h

Relâches

18, 19, 20 avril – 2, 3, 4, 11 mai

Durée : 1h20

Tarifs : de 15€ à 35€

https://www.theatre-atelier.com/event/les-chatouilles-andrea-bescond-2024/

 

Article : Audrey

12/04/2024

audrey@laruedubac.fr


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