Eric est auteur. Il cherche en vain une idée pour sa nouvelle comédie musicale mais il peine à trouver un sujet alors qu’il a rendez-vous avec son producteur, Guillaume. Face à son manque d’inspiration, il découvre que le grand-père de Guillaume (Charles Gentès) était chanteur dans les années 50 et qu’on le surnommait « La voix d’or »… Il n’en fallait pas plus. Pierre en est sûr : la vie de Charles Gentès est le sujet qu’il attendait. Il va alors faire revivre à son producteur l’histoire de son grand-père…
Tout comme avec « Est-ce que j’ai une gueule d’Arletty ? », le spectateur se laisse transporté dans le passé afin de voir renaître sous ses yeux toute une époque, que ce soit grâce aux costumes, aux décors, aux accessoires mais aussi aux musiques évidemment. Cependant, ici, on a le plaisir supplémentaire de découvrir des personnages quasi oubliés aujourd’hui : Charles Gentès et Christine Vercel. Et pourtant, ils ont côtoyé les plus grands (comme Dario Moréno ou Gilbert Bécaud), vécu la vie de « Bohème » chantée par Charles Aznavour, ils ont rêvé eux aussi sur les airs de Trenet, Brel, Brassens, Dalida… Le public se laisse prendre au jeu et n’hésite pas à fredonner avec les artistes ces titres intemporels qui font partie du patrimoine culturel. Accompagnés au piano par Stéphane Isidore (véritable valeur ajoutée), les interprètes mêlent chansons du répertoire et créations originales avec brio, émotion et passion. On frissonne sur « Quand on n’a que l’amour », on danse sur Claude François, on s’émeut sur « Il n’y a pas d’amour heureux » ou « Parce que ». Les chansons s’entrecroisent avec beaucoup de fluidité, presque à la manière d’un mash up où l’on passe d’un titre du répertoire à une nouveauté composée dans le style de l’époque. C’est une véritable réussite car cela surprend sans trahir l’âme de ces mélodies et cela apporte un plus à l’histoire.
Et quelle histoire ! On revient aux sources de ce couple aux ambitions artistiques qui a vécu la guerre avec plus ou moins de séquelles. On découvre leur rivalité artistique, arrivant malgré eux. On entre également dans l’intime, revivant cette période où l’homme s’érigeait en maître de la maison, sans laisser beaucoup de place à sa femme. On met en lumière des aspects plus sombres de la perte de succès de l’un qui le pousse à de dangereuses dérives. Non-dits, mensonges, espoirs déchus, faux-semblants apparaissent au grand jour. On comprend alors que la quête de soi passe aussi par la compréhension de ceux qui nous ont aimés, peut-être mal, mais qui se sont parfois perdus, à force de ne pas avoir su partager. Ce n’est pas que le portrait d’un couple d’artistes qui nous est présenté, c’est toute une époque pleine de contradictions, un monde, blessé par deux guerres sanglantes, qui commençait à changer pour donner davantage de place à la famille et à la femme.
L’écriture et la mise en scène de cette pièce sont menées tambour battant à un rythme effréné qui ne laisse aucune place à l’ennui. Mettant en avant le processus de création, le spectateur est constamment sur le fil entre le passé et le présent pour son plus grand bonheur. On rit, on pleure, on s’émerveille, on s’émeut. On assiste à un véritable spectacle de théâtre musical : les artistes dansent, chantent, jouent la comédie, changent de rôles à plusieurs reprises. Ils déploient une énergie folle avec une grande générosité et ça fonctionne parfaitement. Tous maîtrisent véritablement leur art (il faut dire que ce sont des habitués de ce genre de spectacle) et ils nous embarquent avec eux du début à la fin.
« La Voix d’or » est une vraie réussite du théâtre musical portée par une troupe au sommet de son art. Laissez-vous enchanter par ce spectacle qui a de grands jours devant lui. On en ressort heureux et charmés. Un grand bravo !