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« Roxane, dans l’ombre de Cyrano »

à la Folie Théâtre

Depuis le 29 août, A la Folie Théâtre accueille « Roxane, dans l’ombre de Cyrano », l’adaptation du célèbre « Cyrano de Bergerac » par la Compagnie des Fouillons. Cette jeune troupe d’artistes, dont certains se sont rencontrés au célèbre Cours Florent, décide de mettre en lumière la seule femme de la pièce d’Edmond Rostand afin de montrer à quel point elle est une héroïne moderne, pourtant très souvent mise de côté.

Juillet 1939. Roxane attend avec impatience l’appel de son cousin, Cyrano, à qui elle souhaite annoncer un très grand secret. Elle lui donne rendez-vous chez Ragueneau, une brasserie où ils ont leurs habitudes. Cyrano est fébrile, il rêve qu’elle lui déclare son amour mais sa laideur l’empêche d’y croire réellement. Une fois arrivée, Roxane lui demande de protéger Christian, un jeune baron dont elle est éprise, qui vient servir dans son régiment. Christian est beau mais n’a pas d’éloquence. Cyrano en déborde. Ensemble, dans une France en guerre, ils vont décider de séduire la jeune femme, l’un par sa beauté, l’autre par ses mots… 


Ce qui frappe tout d’abord est l’utilisation de 90% du texte d’Edmond Rostand, qui ravira les puristes ou les adeptes de la langue belle. Quelques scènes ont été montées en « création plateau ».  A travers cette mise en scène, on redécouvre l’œuvre dont les mots sont d’une grande modernité. Humour, lyrisme, tendresse, tristesse, vaillance, bravoure, on retrouve tout cela, et même plus, dans cette pièce pourtant écrite à la fin du XIXe siècle et on comprend vite pourquoi elle continue de fasciner les spectateurs du monde entier. A travers ses vers, Rostand a réussi à imiter la fluidité de la langue parlée tout en apportant des moments de grande verve. C’est beau, on se laisse transporter par ces répliques qui ne prennent pas une ride. 


Après la surprise de ne pas assister au premier acte original et de la disparition de quelques personnages (comme Le Bret ou la nourrice), on se laisse vite séduire par les deux personnages principaux, Roxane et Cyrano, pour leur fraicheur, leur énergie, leur complicité et leur douceur. Le spectateur averti reconnaîtra les libertés prises pour déplacer certains morceaux de bravoure comme la tirade du nez ou celle des « non merci ». Il est toujours audacieux de toucher à ce genre de texte que certains puristes auraient peut-être du mal à accepter (on félicite par ailleurs le clin d’œil fait à l’acte V par Ragueneau) et pourtant cela fonctionne bien. En faisant jouer la tirade des « non merci » par une Roxane engagée, partie à la guerre, libérée de ce que la société attend d’elle, on redécouvre le texte d’une autre manière. Cela a le même effet sur la fin de la pièce que nous ne dévoilerons pas pour laisser le plaisir au spectateur. Cependant, grâce à cela, Roxane apparaît comme une femme en avance sur son époque, qui n’hésite pas à épouser Christian, à manipuler De Guiche, à se mettre en danger pour retrouver son amour. Loin de l’image très aseptisée de Roxane que l’on retrouve dans certaines mises en scène, Roxane ici est parfaitement mise en valeur et elle retrouve tout sa force de caractère, comme dans « Edmond » d’Alexis Michalik. 


La troupe d’acteurs est parfaitement soudée et pleine de dynamisme. Sylvain Bastonero est un Cyrano aussi vaillant que tendre. Il prend le nez du personnage avec beaucoup de force sans singer les acteurs prestigieux qui ont interprété ce rôle. Célya Humann redonne à Roxane toute sa vérité avec grâce et charme. Alexis Tran nous présente un Christian dans toute sa maladresse au début mais qui se révèle quand la réalité éclate.  Thomas Coster est un De Guiche aussi vil que séduisant. Phil Kuzco apporte à Ragueneau beaucoup d’humour et de sympathie. 


Notons l’importance de la musique dans cette adaptation. Les acteurs dansent, jouent du piano, écoutent la radio, chantent. Pour mieux nous ancrer dans les années 40, outre les décors et accessoires, des standards de la chanson française sont diffusés (Piaf, Trénet…) pour jouer avec l’action. Cela rend l’histoire plus vivante et interactive, faisant réagir le public. Notons d’ailleurs la puissance de la scène du balcon complètement revisitée avec l’importance de la musique qui y confère une poésie toute nouvelle et particulièrement intelligente. Une grande réussite. 


« Roxane, dans l’ombre de Cyrano » est une très belle adaptation de « Cyrano de Bergerac » qui apporte une valeur ajoutée à son personnage féminin. Servie par une troupe d’acteurs des plus dynamiques, elle nous transporte dans l’univers d’Edmond Rostand pour notre plus grand plaisir. A voir, notamment avec les jeunes générations pour leur faire comprendre ce qu'est un travail d'adaptation !


D'après Edmond Rostand

Adaptation : Sylvain Bastonero

Mise en scène : Célya Humann, Sylvain Bastonero

Scénographie : Phil Kuzco

Avec : Sylvain Bastonero, Alexis Tran, Célya Humann, Thomas Coster, Cyrielle Buquet, Phil Kuzco

 

A La Folie Théâtre - 6, rue de la Folie Méricourt - 75011 Paris

Du jeudi 29 août au dimanche 10 novembre 2024

Jeudi à 19h30, samedi et dimanche à 18h

Relâches les 1er, 8, 15 et 22 septembre.

Tarifs : de 10€ à 25€

http://www.folietheatre.com/?page=Spectacle&spectacle=447&PHPSESSID=33a6d82e0e268eff69ec9723bab2ddb4

Durée : 1h20

 

Article : Audrey

15/09/2024

audrey@laruedubac.fr

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